Une biographie limpide, cousue main
Profitant qu’une journaliste du Monde vient de publier une biographie de Lagerfeld sous le titre Kaiser Karl, Michéa Jacobi inscrit la sienne sur Facebook du même personnage : image de l’objet et texte complet.
Jorge Luis Borges définissait la biographie : « Un exercice de minutie, une absurdité. Certaines comportent exclusivement des changements de domicile. »
Czesław Miłosz renchérit dans son Abécédaire : « Toutes les biographies sont fausses […]. Telles des coquilles, elles ne nous renseignent guère sur le mollusque qui les habitait. » (N’ayant pas sous la main la traduction par Laurence Dyèvre de cet Abécédaire, je traduis moi-même du polonais.)
Par bonheur, l’ouvrage de Jacobi sur le couturier qui fut à la mode, se joue de ces écueils et, par son titre Lagerfeld En vitesse, annonce qu’on ne s’y perdra pas en broderies, anecdotes ou comparaisons frivoles (avec, par exemple, un Kaiser acclamé pour ses ciseaux quand il jouait au Bayern Munich).
La vérité vraie dans une biographie, on ne l’attendait certes pas et pourtant la voici en deux mots : « Il jacassait ».
Laissons les critiques de Vogue, de Fait main, de Coudre ou du Point se demander si l’auteur n’aurait pas pu faire plus bref en supprimant le « il », et retenons que le verbe de ce texte complet, un franco-provençalisme de la langue française, ne saurait être mieux choisi, car il résume à la fois le protagoniste et le penchant aux piailleries de ses admirateurs (sans parler des abonnés du réseau social où Lagerfeld en vitesse s’affiche).
Que de textes envolés battent des ailes dans ce constat qui nous dispense de leur courir après : « Il jacassait » !
Par une piquante allusion, nos oreilles s’y trouvent même aiguillées vers l’alphabet : i - j - k.
Les éditions Lapidaire soient remerciées de nous avoir offert ce livre sans prix, dont on n'a pas à tourner les pages.